MÜNSTER, Sebastian. La cosmographie vniverselle, contenant la situation de toutes les parties du monde, auec leurs proprietez & appartenances […]. Un feuillet de 313×209 mm, paginé 1103-1104, extrait du livre IIII d’un exemplaire d’une édition du seizième siècle de la première traduction française de la Cosmographia Universalis. 2 gravures sur bois. Pâles et petites piqûres; petits manques de papier. Brunet III, 1945.

230 euros

Une évocation de Vlad Tepes (l’Empaleur).

La Cosmographia Universalis, parue en 1544, traduite pour la première fois dans notre langue en 1552, puis en 1575 par François de Belleforest, est l’une des premières descriptions du monde en langue allemande ; cette impressionnante œuvre collégiale, qui fut longtemps la référence en matière d’histoire et de géographie, offre de nombreuses illustrations des modes de vie de l’époque, des vues de villes et des cartes. On y trouve cependant aussi, comme dans beaucoup d’autres publications du XVIe siècle – ou plus anciennes –, des représentations de monstres terrestres ou marins, des relations de miracles, de prodiges et autres naissances marquées du sceau de l’anormalité.

Notre feuillet concerne la Transylvanie ; il y est en particulier question du personnage historique évoqué par Bram Stoker : le sanguinaire prince valaque Vlad Tepes (1431-1476), surnommé l’Empaleur, plus connu sous le sobriquet de Dracula (Le grand diable, ou le fils du diable), dont M. Cazacu explique qu’il pourrait indiquer l’appartenance de son père, Vlad II Dracul (le Diable), à l’Ordre du Dragon fondé par l’empereur Sigismond de Luxembourg en 1408.

(Ce voïvode) « avait nom Dracule, duquel on dit des choses merveilleuses : qu’il estoit fort cruel et rigoureux en iustice. Entre autres choses il est dit de luy, que comme quelques ambassadeurs du Turc fussent venuz vers luy, pource que selon la coustume du pays ilz refusoyet d’oster leurs chappeaux ou bonnetz : pour mieux confermer leur coustume, il leur feit ficher trois cloux dedans la teste avec leurs bonetz, afin qu’ilz ne les peussent plus oster. D’auatage il feit empaller beaucoup de Turcz et au milieu d’eux bancquettoit avec ses amys […] jetter dedans un feu […] Ite quand il auoit prins quelques Turcs prisonniers, il leur faisoit escorcher la plate des piedz, et les frotter de sel brayê, et quad ilz se plaignoyent, il faisoit venir des chieures, qui leur leschoyent les plantes pour leur faire encore plus de mal, d’autat qu’elles ont la langue rude et aspre […] depuis il fust tuée en une bataille contre les Turcs, et sa teste fust envoyée à Mahumet pour un grand don. »

Les gravures mesurent 8,7×6,3 et 4,8×7,8 cm ; l’une se situe au recto du feuillet, l’autre au verso. La première représente un château et la seconde, un homme (le roi de Hongrie Mathias Corvin, cité dans l’article, ou Dracula ?)

Voir la fin de la fiche du premier exemplaire de Dracula (1920).

Concernant le sobriquet Dracula et la source de Münster : Matei Cazacu : L’histoire du prince Dracula en Europe centrale et orientale (XVe siècle). Genève, Droz, 1988 (pages 1-3, 53 et 168).

Au sujet de l’interprétation de la présence des représentations de monstres, de miracles etc. dans la Cosmographie, voir Jean Céard : La nature et les prodiges (Droz, 1996), pages 186-187, 276-277.

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