FANTASMAGORIANA ou recueil d’histoires d’apparitions de spectres, revenans, fantômes, etc. ; Traduit de l’allemand par un amateur [Jean-Baptiste Eyriès]. Paris, Schoell, 1812 ; (xiv), 276 p., 303 p. Relié à la suite : Histoires des revenans, ou pretendus tels, des gens crus morts rappelés à la vie, et sortis de leurs tombeaux, etc., recueillies et publiées par C**, Paris, Chez Mme Goullet, (xv), 176 p., 168 p., 1810. Deuxième édition. Deux frontispices. Un fort volume in-12 relié. Pleine basane marbrée, dos lisse, pièce de titre de maroquin rouge, tranches marbrées (reliure de l’époque). Usures et frottements sur les plats, dos craquelé, deux coins émoussés. Manques de papier sans perte de texte dans l’angle supérieur droit des pages 161-166 et 193-194 du tome 2 du premier titre, et p.165-166, à la fin du volume. Rousseurs éparses (de nombreuses pages ne sont pas concernées). 95×167 mm. Bon exemplaire.
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Édition originale de Fantasmagoriana ; elle est rare.
Fantasmagoriana est particulièrement connu pour son rôle dans la genèse de Frankenstein et du Vampire de J. W. Polidori. L’anecdote, célèbre, semble attestée : lors d’un séjour très pluvieux près de Genève, en juin 1816, Lord Byron, Mary et Percy Shelley, J. W. Polidori et Claire Clairmont, l’ancienne maîtresse de Byron, occupèrent leur temps en lisant ce livre. À la suite de cette lecture, une idée émanant probablement de Byron fut soumise : celle que chacun écrivît une histoire terrifiante. Mary Shelley se lança dans la rédaction de Frankenstein mais les autres vacanciers abandonnèrent leurs projets à un stade embryonnaire. Cependant, Polidori reprit l’idée originale de l’histoire de vampire esquissée par Byron.
Les contes qui composent ce recueil sont extraits de trois publications allemandes. L’amour muet a pour auteur Musaeus, dont le nom est particulièrement attaché à l’histoire du genre fantastique – voir notre introduction –, La Chambre grise est de Clauren et les six autres sont de F. Laun [pseudonyme de F. Schulze] et A. Appel ; ils font partie des deux premiers volumes d’une série de sept, publiée entre 1810 et 1818 (Das Gespensterbuch, c’est-à-dire «Le Livre des fantômes »).
La nature des récits de Fantasmagoriana, son titre et son sous-titre, le rattachent entièrement et ostensiblement au fantastique. À moins d’un oubli, c’est le seul recueil de ce type que nous connaissions pour le premier quart du XIXe siècle français. Celui qui s’en rapproche le plus est à notre sens Contes imités de Musaeus et d’autres auteurs Allemands, traduit en 1810-1811 par la baronne de Wiesenhütten. Il s’agit d’un ouvrage réunissant neuf récits de trois auteurs ; certains sont fantastiques, tandis que les autres – très majoritaires – relèvent peu ou prou du domaine de la féerie.*
L’amour muet, qui fait partie des contes susceptibles d’avoir (un peu) inspiré Mary Shelley pour Frankenstein, a connu rapidement plusieurs traductions, la première étant probablement celle de la baronne de Montolieu, parue en 1805 dans le tome neuvième de la Nouvelle Bibliothèque des Romans (L’amour muet et le Songe) et reprise en 1812 dans Douze nouvelles. Une autre traduction figure dans le recueil de la Baronne de Wiesenhütten et un certain C. J. Rougemaitre proposa en 1820 une nouvelle version dans un ouvrage en trois volumes, Voyage d’un Champenois à Paris (voir notre introduction). Enfin, il existe une traduction anonyme faite à partir de l’anglais : Le spectre barbier, conte imité de l’anglais, à Nantes (1824). L’auteur est Auguste Lorieux. Il s’agit sans doute du texte paru en 1823 dans le périodique Le Lycée armoricain (p. 432-448).
Le second livre, Histoires des revenans, ou pretendus tels, est une compilation du même type que Démoniana (1820), Histoire des Fantômes (1819) etc. L’édition originale parut en 1808, ornée de deux gravures. De même que la nôtre, elle semble très rare.
* Bien sûr, nous ne pouvons garantir que notre expérience reflète fidèlement la réalité, certaines éditions étant pour ainsi dire inconnues, du fait de leur rareté. Par exemple, ce n’est que récemment (il y a quatre ans, en 2020) que nous avons appris l’existence de l’ouvrage de la baronne de Wiesenhütten, alors qu’il s’agit d’une publication très intéressante relativement à la naissance du genre fantastique. De même, nous savons depuis seulement quelques mois qu’un livre réunissant trois récits de l’Allemand Tieck – dont deux fantastiques – fut publié en 1829. Toutefois, le fait que nous connaissions extrêmement peu de recueils fantastiques du deuxième quart du XIXe siècle nous conforte dans notre opinion.
Concernant Musaeus, voir la catégorie « Contes ».
Deux exemplaires de Fantasmagoriana passés récemment dans le commerce : Heritage Auctions, Collection Gary Munson, vente du 14 octobre 2021, lot 71023 / Laval enchères, 23 mai 2024, lot 59. Loliée 236 pour l’originale du second titre.