LE ROUGE (Gustave). Le Prisonnier de la Planète Mars / La Guerre des Vampires. Paris, Méricant, s. d. (1909 et 1910). 2 volumes reliés ensemble. Demi-basane brune (reliure de l’époque). 157×232 mm. 124 p., 2 ff. n. ch. ; 124 p., 2 ff. n. ch. 157×232 mm. Couvertures conservées, sauf le deuxième plat (non illustré) du premier volume. Édition originale pour chacun des deux titres. Joint : deux lettres autographes signées. L’une, de Gustave le Rouge, adressée à Joanny Durand, datée du 2 janvier 1938. Une page repliée (105×135 mm). L’autre, de Francis Lacassin à Roland Stragliati, du 18 juillet 1966. Enveloppe conservée. Une page (207×268 mm). Bon état intérieur des volumes ; une bande de papier collée sur le côté gauche de la première couverture, petits manques sur le côté droit. Les pages 17-48 du second fascicule comportent des manques de papier en coin. Les derniers feuillets sont légèrement endommagés sur le côté droit. Second plat de couverture du dernier fascicule, défraichi.

2200 euros

Le thème du vampire renouvelé par la littérature populaire.

Très rare réunion dans cette condition (les deux fascicules reliés seuls à l’époque). Le Prisonnier de la Planète Mars, qui constitue la première partie de ce roman a été pré-publié du 12 avril au 15 mai 1906 dans Le Signal de Paris, avant de paraître en librairie en 1909, suivi environ six mois après de La Guerre des Vampires.

Jean Marigny explique que durant la première moitié du XXe siècle, peu de romans de littérature vampirique furent publiés dans le monde. Les auteurs, dans la continuité de leurs prédécesseurs du XIXe siècle, continuaient généralement de privilégier la nouvelle. Ce n’est que vers la fin des années soixante que cette situation devait évoluer. À l’instar de G. le Rouge et ses créatures extra-terrestres avides de sang *, les auteurs de ces romans donnèrent généralement une image assez peu conventionnelle du vampirisme (dénaturée si l’on préfère), en mettant par exemple en scène des vampires psychiques.

À cet égard, sans doute le vampire tel que nous l’a légué Bram Stoker, « trop codifié pour convenir vraiment [au genre fantastique], fondé pour une grande part sur l’indécision, l’indétermination et l’incertitude » constitua-t-il un obstacle pour les écrivains. « Dès lors que dans une histoire, on accole le terme de vampire à l’un des personnages, on sait d’avance qu’il s’agit d’un prédateur mort-vivant qui suce le sang de ses victimes, qui craint l’ail, la lumière du jour… ». Le lecteur est alors confronté à une forme de surnaturel préétabli peu conforme au fantastique tel qu’on le définit généralement. « Tout au long du XXe siècle, les auteurs ont été conscients du problème et ont dû adopter diverses stratégies pour éviter de réécrire sans cesse Dracula » ; quant aux grands écrivains de littérature fantastique du XXe siècle, ils ont souvent évité d’aborder le thème.

Autrement dit, comme l’écrit Jacques Finné, « le père du vampire moderne faillit être, en même temps, son assassin ».

Quoi qu’il en soit, toujours selon Jean Marigny, les romans les plus marquants des premières décennies du XXe siècle se trouvent parmi ceux qui renouvellent le thème, tandis que l’on rencontre surtout des vampires « orthodoxes » dans les nouvelles.

La première lettre, particulièrement émouvante, fut écrite moins de deux mois avant la mort de Gustave le Rouge, qui était atteint d’un cancer. Le destinataire, Joanny Durand, était un sculpteur graveur. Il réalisa de nombreux monuments aux morts dans le département de la Loire. Ses sculptures et ses gravures sont marquées par le style Art déco et le réalisme des années 1930. (Wikipédia) « Mon cher ami, je vous souhaite une bonne et heureuse année à vous et aux vôtres. C’est tout ce que je suis en état d’écrire en ce moment, je viens de subir un nouveau dépeçage et je suis réduit à ma plus simple expression. Au point de vue sculpture, je serais tout au plus bon à figurer ces squelettes brandissant un sablier que dévorent les tombeaux. Je n’oublierai jamais votre amitié. Affectueusement à vous. » **

La seconde lettre est consacrée à l’auteur, que Francis Lacassin rééditait alors : « […] Tout ceci me confirme que le Rouge était un raffiné […] Oui Cornélius en 3 gros volumes, chacun illustré de […] Je suis ravi que vous couronniez l’œuvre de Rebell, mais – vous allez me trouver bien contrariant – le Prix Nocturne n’aurait-il pas plutôt convenu à le Rouge ? […] J’espère que vous aurez du plaisir à lire (ou relire) le Prisonnier de la planète Mars, et ne doute pas de la chaleur de votre compte rendu. » ***

Source : Jean Marigny : Le vampire dans la littérature du XXe siècle, pages 17, 25, 37, 38, 70-72, 78 et 86-87 (y compris la citation de J. Finné). Voir l’article du 3 juillet 2019 de laporteouverte.me, pour la pré-publication du Prisonnier de la Planète Mars. Le Journal de Beaune du 17 février 1910, Le Figaro du 18 et les numéros des 1er et 16 mars du Mercure de France commentent ou annoncent La Guerre des Vampires. Le 16 septembre 1909, le Mercure de France indiquait la sortie du Prisonnier de la Planète Mars « vers le 15 septembre ». (p. 309).

* Le Rouge fit œuvre de pionnier : son idée fut souvent reprise (Jean Marigny).

** Cette lettre a été reproduite par le site laporteouverte.me en mai 2024.

*** Le Prix Nocturne fut créé en 1962 par Roland Stragliati. Destiné à récompenser « des œuvres fantastiques ou insolites », il fut décerné en 1966 aux Nuits chaudes du Cap français d’Hugues Rebell.

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