NESMOND, André de, sieur de Chézac. Arrests prononcez en robbes rouges. Arrest premier du XXV. de Mars de l’an mil cinq cens quatre vingts quinze touchant la location d’une maison infestée des Esprits. S.l.n.d. [1617 ?]. In-4 (224×167 mm). 3T33U-Z44A-I44K2 : 57 ff. paginés 512-624, extraits d’un livre. Bradel demi-vélin, titre manuscrit en long sur le dos (reliure moderne). Ex-libris d’Éric Gruaz (Paris, 28 avril 2017, n°390). Mouillure angulaire. Extrait de Remontrances, ouvertures de Palais et arrets prononcez en robes rouges. Par Messire … de Nesmond, Seigneur de Chezac, premier Président au Parlement de Bordeaux. A Poictiers, Par Anthoine Mesnier, Imprimeur ordinaire du Roy et de l’Université. 1617.
vendu
Très intéressant arrêt de justice décrivant minutieusement les apparitions d’un esprit dans une maison en location. La description des faits tient sur trois pages : « Louyse Bouard loua une sienne maison à Bordeaux, en décembre 1595, pour une durée de trois ans à raison de 80 écus par an payables par demi années. Pierre de la Tappy après y avoir demeuré 2 ans 3 ou 4 mois, la reloua à Henry Guyton pour le temps qui lui restait… » Mais Guyton quitte la maison deux ou trois mois après et somme, devant notaire, Pierre de la Tappy de la reprendre et de ne pas lui faire payer le temps de location qui reste, alléguant qu’elle est « inhabitable à cause de quelques esprits ».
S’ensuivent des conflits sur fond d’indemnisation des loyers non perçus. « Les précédents locataires depuis trente ans en ça n’auraient jamais fait plainte que la maison fût vexée d’aucuns esprits et ce qui était le principal que tels faits n’étaient ni recevables ni pertinents. » Puis Pierre de la Tappy dénie ce qui précède et affirme que « cette maison aurait été toujours inquiétée depuis la contagion de la peste, qu’il en aurait souvent averti ladite Bouard, laquelle l’aurait prié de ne vouloir sa maison. Que les bruits qui s’y faisaient étaient notoires voire aux locataires précédents, que sa femme en serait morte de crainte et de frayeur… [….] l’inquiétation prétendue, à savoir qu’il survenait en cette maison un esprit lequel trois ou quatre fois la semaine apparaissait es chambres d’icelle en forme d’un petit enfant, qui, de l’entrée de la porte faisait trembler tous les meubles et ustensiles, se promenait par la chambre comme revêtu de blanc, et se montrait plus grand ou plus petit… se jetait sur l’estomac des personnes y couchées, les opprimait, leur fermait la bouche… » etc.
Pour sa défense, la propriétaire, Louyse Bouard, soutient que les faits ne sont pas recevables comme n’étant pas possibles. Il s’ensuit une discussion très solidement argumentée, de plus de cent pages, d’un type habituel (évocation d’exemples tirés de la littérature religieuse, point de vue de personnes faisant autorité : Saint Augustin etc.). « … Qui sera donc le catholique aujourd’hui qui fera scrupule ou difficulté de croire ces apparitions et infestations puisque l’Église les tient pour véritables, qui ne peut être arguée d’erreur ou superstition?… »
Finalement, en l’absence de toute jurisprudence connue, la cour juge les faits admissibles, conformément à « l’usance » et tradition de l’Église, à l’autorité des Saints Pères, à la résolution des Scholastiques… Elle diligente une enquête afin de constater ou pas les faits, ordonne à Pierre de payer le reste du loyer (un an et demi) et oblige Louyse à provisionner un éventuel remboursement pour le cas où les faits viendraient à être constatés.
Vignette ex-libris Eric Gruaz.