[MANUSCRIT]. [AFFAIRE GAUFRIDY]. Audition De demoiselle magne De Demandol de lapalud Contre Messire Louis Gaufridy pretre curé en leglise parroissialle des accoules. Du xx fevrier 1611. [Avec :] Interrogatoires Et reponces de messire Louis Gaufridy faictes sur Lescabelle. Du 28 avril 1611. Deux manuscrits du XVIIIème siècle. 24 et 20 p. sur 12 et 10 ff. in-4 (288×200 mm). Encre brune, papier vergé. Deux cahiers brochés. Boîte moderne amateur de papier Lokta rouge et noir. Léger pli médian vertical à tous les feuillets.
vendu
Tout ce qui suit est extrait du livre de Guy Bechtel : Sorcellerie et possession, Grasset, 1972.
Cette célèbre affaire met en scène Louis Gaufridy, moine bénédictin de Saint-Victor de Marseille et curé des Accoules, homme jovial, recherchant la compagnie des femmes – cela pèsera lourd contre lui –, et des religieuses ursulines d’Aix-en-Provence, notamment la sœur Magdelaine de Demandolx de la Palud, descendante d’une famille noble de haute lignée, âgée de dix-huit ans environ au moment des faits. Magdelaine, après être entrée au couvent des ursulines de Marseille, manifeste très vite des troubles ; il s’agit en réalité des prémices de l’hystérie dont elle souffrira plus tard. Ses parents l’en retirent en avril 1606 pour la faire soigner. Elle passe alors de longs moments en compagnie de Louis, ami de la famille, puis, une fois apaisée, retourne aux ursulines de Marseille en mars 1607. À peine revenue, les troubles réapparaissent. La supérieure, la Mère Catherine de Gaumer l’interroge et Magdelaine déclare avoir été déflorée par Louis à l’âge de dix ans. En août 1609, la jeune fille est prise en public d’une crise ; elle affirme que le Diable vient de lui « envoyer » des visions. Ce qui n’était qu’une affaire de moeurs qu’on tentait d’étouffer par crainte du scandale, devient à partir de ce moment un cas de possession nécessitant un exorcisme.
Alors, sur fond de rivalité entre villes, de haine pré-existante de Catherine à l’égard du curé des Accoules, d’une rumeur absurde d’« ensorcelement » d’un prêtre par celui-ci, en 1605, d’aggravation des accusations portées par Magdelaine contre lui lors des séances publiques d’exorcismes, d’apparition d’autres cas de possession dans le couvent, de malaises physiques d’assistants, interprétés comme des interventions diaboliques, de surenchère dans les paroles des démons qui s’expriment par les voix de Magdelaine et de Louise Capeau, une autre jeune fille exorcisée ; sur fond, aussi, d’accusations de sorcellerie proférées par « le démon de Louise » contre Magdelaine : « Au commencement, tu t’es donnée au diable, Magdelaine, et tu as renoncé à ton dieu, ton baptême, sa Mère et tout le paradis. Tu as fait une cédule au diable, Magdelaine, […] tu as donné licence au diable d’entrer dedan ton corps… », le curé des Accoules est emporté, balayé par les événements et emmené au bûcher le 30 avril 1611, après avoir subi de terribles tortures.
Le jour de son exécution, abandonné de tous ses amis et soutiens, il fut d’abord dégradé par son évêque, celui-là même qui, au début, avait cherché à le défendre ; il subit ensuite la question ordinaire et extraordinaire, pendant lesquelles on lui demanda de nouveau s’il avait des complices… « Il avait été obtenu, peut-être par l’intercession des capucins, que Gaufridy serait étranglé avant qu’on ne mît le feu. Cette ultime grâce lui fut refusée par un incident. Le feu prit beaucoup plus vite que prévu et embrasa le monceau de bois. La corde à la main, le bourreau recula, sans avoir pu accomplir sa besogne. » (p. 248-249)
Quant à Magdelaine, qui avait avoué elle-même lors du procès avoir été convertie au diable par l’entremise de Gaufridy, et s’être rendue au sabbat, elle qui était indéniablement amoureuse du curé, qui l’accusa mais qui chercha aussi farouchement parfois à le défendre, elle fut bientôt libérée, erra sur les routes du midi pendant des années pour faire pénitence, jusqu’à ce qu’en 1653, un nouveau procès pour sorcellerie lui soit intenté, débouchant sur sa condamnation à la prison perpétuelle. Une fois encore libérée, elle termina sa vie en 1670, dans la plus grande pauvreté. Elle avait fait don de ses biens à l’Église.
Le premier manuscrit concerne Louis Gaufridy ; il retranscrit son dernier interrogatoire, qui eut lieu le 28 avril 1611, au sujet duquel G. Bechtel écrit : « Cet interrogatoire sur la sellette » constitue un terrible document. Il montre jusqu’où peut conduire un homme qui a peur de la mort. De minute en minute, on va voir Gaufridy se défaire, se détruire lui-même… (p. 235-240). On y lit par exemple : « j interrogé si le diable apparaissait en forme de bouc, a dit que non…. / j interrogé quelle différence y a des sorciers et magiciens / a dit qu’il y a un degré plus haut l’un que l’autre… / a dit que le diable de magdelaine s’appelle asmodée…. / j interrogé quelle graisse avoit donné Le diable à magdelaine / a Dit que ne sen ressouvient pas / Luy a été remontré que magdelaine a dit qu’il La menée au Sabat, et qui L’Etoit marqué comme Elle. »
L’autre manuscrit donne l’interrogatoire de Magdelaine du 21 janvier 1611.