RAY (Jean). Les Contes du Whisky. Bruxelles, La Renaissance du Livre, 12 Place du Petit Sablon ; 1925, in-12. Reliure à la bradel, papier fantaisie (Goy et Vilaine). 217 pages ; feuillet blanc. Premier plat de la couverture et dos conservés (petits manques, taches sur le plat, une lettre en partie effacée). 120×191 mm. Un des 20 exemplaires sur Lafuma pur fil, seul grand papier après 5 Japon et 6 vergé d’Arches (celui-ci, un des 5 hors commerce). Envoi autographe signé : « à mon cher camarade Adolphe Herckenrath en cordial et affectueux hommage » Nous joignons deux lettres de Madeleine De Sloovere, la dernière compagne de Jean Ray, au couple Stragliati (enveloppe ; bi-feuillet ; texte sur deux pages ; 153×200 mm). Jolie reliure, exemplaire plaisant.
2200 euros
Édition originale. Peut-être le premier livre de l’auteur de Malpertuis, alors âgé de trente-huit ans, puisque l’ouvrage intitulé Terre d’aventures, mentionné comme déjà paru, semble demeurer introuvable. Le dédicataire, A. Herckenrath, était un poète, dramaturge, éditeur et libraire flamand, auquel Jean Ray offrit au moins deux autres de ses livres, chacun tiré sur grand papier, dont, une vingtaine d’années après celui-ci, Les derniers contes de Canterbury.
Ce recueil de vingt-sept contes propose en particulier, aux pages 152-167, une histoire de (vrai) vampire : Le Gardien du cimetière. Cette nouvelle saisissante, apparemment inspirée par Das Grabmal auf dem Père Lachaise (Mon séjour au Père Lachaise), de Karl Hans Strobl (1913) avait d’abord paru dans les numéros des 3-4-5 août 1920 du Journal de Gand. Le 30 novembre 1919, la revue gantoise Ciné, dont l’auteur était depuis peu rédacteur en chef, avait livré le début du texte (environ un quart) mais il semble que l’on ne connaisse aucun numéro de ce périodique postérieur à cette date.
Le Gardien du cimetière fait partie, tout comme Seaton’s Aunt de Walter de la Mare, des quelques histoires de vampires parues dans le premier quart du XXe siècle en Europe, devenues des classiques (Jean Marigny).
Jean Ray abordera de nouveau le sujet dans Le vampire aux yeux rouges et Le vampire qui chante, mais il choisira cette fois le procédé du surnaturel expliqué.
La première lettre est datée du 17 novembre 1966, deux ans après le décès de l’auteur. « Je regrette et même c’est douloureux de penser que durant toute sa vie ses œuvres sont restées là endormies et qu’à la fin de sa vie la gloire est venue hélas ! trop tard pour lui il n’a plus su en profiter. Ce qui me console c’est qu’il a su avant de nous quitter et comme je le connaissais il en était tout heureux. Nous avons, Jean et moi, souvent parlé de vous, que nous vous devons tout car c’est vous cher Monsieur Roland, qui l’a déniché il y a 20 ans et que vous avez fait beaucoup pour lui. Je ne l’oublierai jamais. […] »
Dans la seconde lettre (7 octobre 1973), elle écrit : « Comme vous pouvez le constater, les livres de mon regretté Jean continuent à être bien lus et j’en suis contente malheureusement toujours triste l’idée qu’il n’a jamais eu l’occasion d’en profiter lui même. Je pense si souvent au bon moment que nous étions ensemble 1- il vivait encore et 2- vous deux et nous deux étions encore beaucoup plus jeunes. » Au dos de ces deux enveloppes, cette adresse : « 8, rue sans nom, 9000 Gand ».
Roland Stragliati (1909-1999), était entre autres un grand spécialiste de la littérature fantastique, qu’il a beaucoup contribué à promouvoir ; il a par exemple publié avec Jacques Goimard la remarquable et très importante Grande Anthologie du Fantastique entre 1977 et 1981, et participé à d’autres anthologies, ainsi qu’à la revue Fiction etc.
Il existe plusieurs tirages ou éditions des Contes du Whisky la même année, notamment à Paris où La Renaissance du Livre fut fondée. On observe d’assez nombreuses variantes (couvertures différentes, existence ou pas d’un achevé d’imprimer, d’une mention de deuxième édition sur la page de titre, en haut à droite, mais peut-être aussi, en haut à gauche dans d’autres cas, voire sur la couverture uniquement ?) Nous avons vu un exemplaire du tirage ordinaire, manifestement identique au nôtre, dont le second plat de la couverture était vierge.
Pour plus d’informations sur les rapports entre J. Ray et R. Stragliati, voir : J. P. Galvan : Revue des Autographes, in Le Rocambole. Bulletin des Amis du Roman Populaire, numéro 83/84, été-automne 2018, pages 307-325. Voir également le numéro 11 de cette revue, p. 147-152 (été 2000).
J. Marigny : Le vampire dans la littérature du XXe siècle, pages 17 et 78.