MERCURE HISTORIQUE ET POLITIQUE. À La Haye. Chez Fred. Henri Scheurleer. Tome CXXXVIII ; 1755. In-12, basane, dos à nerfs, tranches rouges (reliure de l’époque). Traces de restaurations ; coiffes élimées ; les pièces de titre et de tomaison sont absentes mais on peut lire les caractères (gravés). Bon exemplaire. 712 pages et 4 feuillets de table (128×70 mm). La reliure couvre les mois de janvier à juin.

300 euros

L’intervention de l’impératrice Marie-Thérèse.

Ensemble d’un très grand intérêt : les numéros d’avril et mai contiennent deux articles se faisant suite, relatifs au vampirisme. On lit dans le premier, page 469 : « Des lettres venues de la Haute Silésie nous ont annoncé la reproduction de la Superstitieuse folie des Vampires, ou Sang-sues, qui, selon les avis, faisaient tant de ravages, il y a environ 30 ans, mais dont on n’a point entendu parler depuis. » Cette introduction est suivie de la relation du cas d’une femme qui, bien qu’ayant prié son mari de lui couper la tête aussitôt après son décès et de ne pas la faire enterrer au cimetière des Catholiques Romains, devint quand-même vampire et causa la mort par « exténuation » de plusieurs personnes, ce qui conduisit à exhumer trente individus, dont vingt furent identifiés comme vampires et exécutés comme tels par les bourreaux de plusieurs villes, mandés pour cette besogne.

Le numéro de mai se réfère au récit précédent et traite de la réaction de l’impératrice Marie-Thérèse : il est indiqué qu’elle a adressé un rescrit à la régence de la province en question, dans lequel elle déclare « regarder l’execution qui s’est faite dernièrement de Cadavres deterrez, comme une action qui répugne à l’humanité et au bon ordre » – et précise que les auteurs des exhumations, dont elle a appris qu’ils ont agi à l’insu des magistats, doivent être recherchés et soumis à la justice (pages 590-591 : dix-huit lignes sont consacrées à rendre compte de ce rescrit ; elles ne semblent pas correspondre exactement au texte souvent cité qu’elle fit paraître le premier mars à l’occasion des ces troubles – celui-ci est reproduit dans l’article du 24 janvier 2008 publié sur le site magiaposthuma*).

À la suite de ces événements, l’impératrice missionna son médecin personnel, Gerard Van Swieten, pour faire la lumière sur l’affaire. Ce dernier rédigea un rapport, d’abord publié en 1757 en Italie. Il y est précisé que la femme incriminée, « Rozana Dolackin, morte le 10 décembre 1754, fut exhumée le 19 février 1755 et déclarée digne du feu, parce qu’elle n’était pas pourrie encore » (infra 1768 et 1774).

Marie-Thérèse, très attachée à la lutte contre les superstitions, publia aussi « une ordonnance recommandant la plus grande prudence en matière de sorcellerie et de magie, surtout pour ce qui concerne la magia posthuma – dont le vampirisme fait partie » (A. Faivre, qui précise : « Despote éclairée, elle fait diriger les sorciers vers l’asile au lieu d’encourager la construction de bûchers. L’idée se répand alors que les gens qui croient aux vampires relèvent de la médecine » – Colloque de Cerisy, pages 59-60).

En 1758, l’auteur d’un article, au prétexte d’un cas de vampirisme « récent », qui pourrait être celui-ci, exposa de façon détaillée son point de vue sur la question des vampires, insistant notamment sur la présence de sang frais contenu par leurs cadavres (Journal étranger, juillet 1758, « Considérations sur les vampires », pages 134-144 ; les points développés et les arguments sont comparables à ceux que l’on trouve chez Boyer d’Argens). Le numéro 10 de la Gazette du 17 mai 1755 et ceux de juin du Mercure de France (volume I), et de Suite de la clef ou Journal historique sur les Matieres du Tems livrent aussi, mais de façon moins détaillée, les informations de notre second article. La Clef du Cabinet des Princes de l’Europe ou recuëil historique et politique sur les matières du tems (juin) donne en revanche une version comparable à la nôtre, mais les événements décrits par le premier article ne sont pas, là non plus, évoqués. Les commentaires du Mercure historique ne semblent signalés nulle part. C’est aussi le cas de plusieurs autres, parus dans des périodiques du XVIIIe siècle, mentionnés dans ce catalogue, et, de même, de certains livres dont, par exemple, le traité de Gilbert Charles Le Gendre mentionné plus haut.

* Voir éventuellement : Klaus Hamberger : Mortuus non mordet: Dokumente zum Vampirismus 1689-1791 (Vienna: Turia & Kant, 1992). Nous n’avons pas eu accès à cet ouvrage.

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