Numéro du 9 janvier 1887 du journal Le Petit Parisien. 4 pages (environ 370×540 mm). Numéro extrait d’une reliure. Quelques déchirures et petits manques restaurés (surtout sur la partie gauche), mais état correct. Texte sur cinq colonnes.

100 euros

Persistance des croyances

On trouve aux pages 3-4 un très intéressant article de 27 lignes relatant une récente affaire de vampirisme. Il débute ainsi : « Dantzig (Allemagne), 7 janvier. – “Mes enfants, je vais mourir, je me meurs. Avant de m’enterrer, prenez soin de me couper la tête, ainsi que je l’ai fait à ma mère. C’est que nous sommes une famille de vampires, et, à moins qu’on ne prenne la précaution que je viens de vous dire, nous ne trouvons pas de repos dans la tombe, nous revenons […].” Ainsi parlait le baron de Gostowski, seigneur-propriétaire de Saboucz, près de Dantzig… »

L’article nous apprend ensuite que le fils aîné du baron, qui s’était chargé de l’exécution des dernières volontés de son père, « se sentit malade » quelques jours plus tard et retourna « alors » au cimetière, où il fit exhumer le cadavre, qu’il retourna afin de le mettre sur le ventre, avant de jeter sa tête dans un buisson. « Il en a été quitte pour quinze jours de prison, de nombreux témoins ayant constaté que le mobile du délit n’était, en effet, que l’incroyable superstition répandue dans les campagnes lithuaniennes, où l’on croit que certains morts sortent la nuit de leur tombe pour visiter les vivants et leur sucer le sang. »

Cette information figure aussi dans le numéro du 19 avril 1887 du quotidien Stamboul (Constantinople) à l’occasion de décapitations de cadavres, apparemment destinées à faire venir la pluie, s’étant produites peu avant, dans des cimetières turcs. Le journaliste fait remarquer que dans des pays slaves, certains prêtres continuent de se prêter à des « cérémonies inouies […] On ouvre la bière et on perce le cœur du mort avec des épingles, des épines ou un pieu ; après cela, on imagine que le vampire ne peut plus continuer ses courses nocturnes. Les gardiens de cimetières, dans ces pays, ont des instructions spéciales contre ces profanations de tombes ; aussi s’arrange-t-on de façon à les griser, pour pouvoir accomplir tranquillement ces rites étranges. » Il ajoute que quelques années auparavant, en Russie, un bataillon fut envoyé pour protéger le cimetière d’un village « où la superstition du vampirisme avait pris le caractère d’une sorte d’épidémie ».

La Revue des traditions populaires a également consacré la même année un article à ce fait divers (Tome II, p. 524-525) : « Le Journal de Saint-Pétersbourg raconte un fait vraiment extraordinaire pour l’époque où nous sommes… »

Plusieurs faits comparables sont relatés dans la presse du XIXe siècle : voir notre bibliographie à la date 1906.

D. S-H. rapporte pour sa part quelques autres exemples tirés de sources locales, illustrant eux aussi la persistance de ce type de croyances en Bulgarie, en Serbie, en Macédoine… aux XVIIIe et XIXe siècles (chasses aux vampires, exhumations de cadavres dont les cœurs sont ensuite bouillis dans du vin… ; voir les pages 85-88 ; voir aussi Les Vampires, d’A. Faivre, pages 68-77, et les cas relatés dans la fiche du Manuscrit consacré aux traditions, coutumes et légendes bulgares, et à la date 1770).

Dans un même ordre d’idée, un important journal viennois rapporta en 1909 un fait divers dont le déroulement pourrait faire penser aujourd’hui à un scénario de film : l’incendie par la population locale d’un château situé dans une partie sauvage et désolée des montagnes des Carpates. Cette destruction fut motivée par de nombreux décès d’enfants de paysans : on pensait que l’hécatombe était due à un vampire, l’ancien propriétaire du château, un comte qui y avait vécu avec sa fille. Les deux étaient morts peu avant : elle, d’une chute de cheval, lui, peu après, dans des circonstances mystérieuses. Des « histoires choquantes » concernant leur conduite circulaient… (cf Franz Hartmann : The occult Review, septembre 1909).

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