GOETHE (Johann Wolfgang). Poésies de Goethe auteur de Werther traduites pour la première fois de l’allemand. Par Mme E. Panckoucke. Paris, C.L.F. Panckoucke, 1825. In-18 (117×73 mm) de 2 ff.n.ch., LIX, 155 pp. Veau vert bouteille, plats ornés de filets et d’une roulette à froid, petits poinçons dorés en fleurons d’angle, dos à nerfs orné, tranches dorées (Thouvenin). Quelques rousseurs.
1300 euros
Remarquable exemplaire : relié par Thouvenin, il porte cet ex-dono autographe sur le titre : « Mme Panckoucke à Mr. Andrieux ». Il s’agit probablement de François-Guillaume-Jean-Stanislas Andrieux, l’un des traducteurs de la maison d’édition.
La traduction, annoncée comme étant de l’épouse de l’éditeur, serait en réalité due pour l’essentiel à Aubert de Vitry et Loève-Veimars*.
Le recueil contient trente-six poèmes, dont Le Roi des Aulnes et La Fiancée de Corinthe qui, nous l’avons vu, avait déjà connu trois traductions antérieures en langue française. Celle-ci a le grand mérite de ne pas paraître en revue (et sans nom d’auteur), comme la première, ni dans le cadre d’une note ou bien d’une notice consacrée à Goethe, comme les deux autres. Cette publication précède celle du premier tome des Œuvres dramatiques, dans laquelle la notice en question (qui contient de nombreuses traductions en vers) reparut – cf notre bibliographie.** Il existe quelques autres traductions ou imitations de poèmes de Goethe antérieures à cet ouvrage – par exemple Le Roi des Aulnes, en 1818, dans un périodique bordelais –, mais c’est grâce à ces deux publications que le public français commença vraiment d’avoir accès à la poésie lyrique de cet auteur.
« En ce moment sonna l’heure ténébreuse des mânes, et elle parut plus calme. Elle porta avec avidité à ses lèvres pâles le vin que goûtent les ombres, un vin couleur de sang ; malgré toutes les instances de son fiancé, elle refuse constamment le pur froment qu’il lui offre. […] / De plus en plus ce silencieux repas éveille en lui tous les feux de l’amour ; son cœur en éprouve les transports les plus vifs : il veut l’entraîner vers la couche nuptiale ; la résistance qu’elle lui oppose excite son désespoir. […] / Il la saisit alors avec toute la force de la jeunesse et de l’amour, et s’écrie : “Je te ranimerais lors même que tu sortirais du tombeau ; mon haleine réchauffera la tienne, mes baisers répandront la vie dans ton sein. Ne ressens-tu donc pas aussi le feu dévorant dont je suis embrasé ?” […] / L’amour de son époux semble ranimer ses sens glacés, et cependant il est étonné de ne pas sentir un cœur battre contre son cœur. […] / “ton union volontaire à la fille des tombeaux te condamne à une vieillesse prématurée, et ce n’est qu’auprès de moi que tu retrouveras la jeunesse.” »
* Fernand Baldensperger,Goethe en France, 1904, p. 113
** Voir le Moniteur universel du 22 mars 1825 et le Journal des débats du 15 février 1826.