Visum & Repertum. Über die so genannten Vampirs, oder Blut-Aussauger, so zu Medvegia in Servien, an der Türckischen Granitz, den 7. Januarii 1732 geschehen. Nebst einem Anhang, von dem Kauen und Schmatzen der Todten in Gräbern. Nürnberg, J. A. Schmidt 1732. Petit in-8, cartonnage papier crème, dos orné (reliure de la fin du XVIIIe siècle). Relié à la suite : Wegner, Georg Wilhelm Philosophische Abhandlung von Gespenstern. Worinn zugleich kurtze Nachricht von dem Wustermarckischen Kobold gegeben wird. Mit Holzschnittbuchschmuck. Berlin, Haude und Spener, 1747. Mouillure angulaire aux premiers feuillets ; les derniers feuillets du deuxième ouvrage – qui n’a aucun rapport avec le premier – sont manquants. Petites taches au second plat, pièce de titre manquante, dorures passées, quelques trous (galeries de vers), papier bruni sur la partie imprimée, comme souvent pour ces publications. 92×148 mm

vendu

Édition originale très rare du texte fondateur de l’histoire des vampires.

Après le cas Peter Plogojovitz, « il faudra attendre sept années pour voir réapparaître le vampire. Entre-temps, des épidémies de bétail font rage dans des villages d’Europe centrale, ce qui explique en partie le renouveau d’intérêt pour ce sujet car l’on va attribuer à ce monstre la responsabilité du fléau. Pendant ces années-là, le vampire n’est pas tout à fait absent des conversations, mais il est relativement peu question de lui. Quelques cas isolés font surface, ainsi celui du soldat serbe nommé Pandor, devenu après sa mort un vampire pour avoir mangé de la viande d’un mouton mordu par un serpent vampirisé… » D’autres histoires concernant la même région et la même période seront rapportées plus tard par Dom Calmet en 1746 (A. Faivre).

À la fin de l’année 1731, les habitants de Medwegya, en Serbie, se plaignirent d’être tourmentés par des vampires. Une enquête fut ordonnée et un médecin autrichien nommé Glaser fut envoyé pour interroger les habitants et rendre compte de l’état sanitaire du bourg. Son rapport, « quelque peu confus mais passablement inquiétant dans lequel est décrite la terreur des gens, effrayés au point de se rassembler à plusieurs dans une maison pour y passer la nuit » nous apprend notamment que les villageois affirmaient que treize personnes étaient mortes en six semaines et qu’elles étaient devenues vampires (orthographié vampyr). Comme aucune maladie contagieuse ne fut décelée, Glaser se refusa de trancher et se montra assez timoré. (A. Faivre)

L’affaire aurait pu s’arrêter là mais, après la survenue de nouvelles morts mystérieuses et l’affolement des habitants, une nouvelle enquête, dont il fut décidé qu’elle ne porterait pas sur les témoignages des villageois, mais sur une enquête médicale, réalisée à partir d’exhumations et d’examens de cadavres, fut diligentée, et dirigée par le chirurgien militaire Johann Flückinger.

Le Visum et Repertum, qui débute ainsi : « Ayant entendu dire à plusieurs reprises que dans le village de Medwegya, en Serbie, les soi-disants vampires faisaient mourir un grand nombre de personnes en leur suçant le sang… » rend compte des résultats de cette enquête.

« Ce rapport officiel, beaucoup plus complet que celui de Glaser, commence par le compte rendu de l’interrogatoire des habitants. Ces derniers prétendaient que l’épidémie n’en était pas à sa première flambée. Elle se serait déclarée cinq ans auparavant, en 1727, lorsqu’un “heiduque du pays” nommé Arnold Paole mourut suite à une chute d’une charrette de foin. De son vivant il avait raconté qu’il avait été molesté par un vampire près de la frontière turque. Environ un mois après sa mort, il serait revenu parmi les gens du village et aurait causé la mort de quatre d’entre eux. » (D. S-H.)

Les villageois l’avaient alors déterré : « […] Alors, pour mettre fin à ces maux, ils ont, sur le conseil de leur Heiduque (lequel s’était déjà trouvé présent lors de faits semblables), déterré cet Arnold Paole dans les quelque quarante jours après sa mort. Et ils trouvèrent qu’il était resté parfaitement conservé, non tombé en putréfaction, et aussi qu’un sang tout frais lui était sorti des yeux, des oreilles et du nez […] les anciens ongles de ses mains et de ses pieds s’étaient détachés, de même que la peau, mais en revanche d’autres avaient poussé. Voyant par là qu’il était un vrai vampire, ils lui enfoncèrent, selon la coutume, un pieu dans le cœur, et pendant cela il poussa un gémissement bien audible, tandis qu’une grande quantité de sang sortait de lui… » (extrait de la traduction d’Antoine Faivre, établie sur sa transcription du manuscrit allemand. Le passage est rapporté par D. S-H).

« Le même traitement fut infligé aux quatre victimes de Paole, soupçonnées elles aussi de représenter un danger pour le village [les villageois prétendaient en effet que les victimes de vampires devenaient elles-mêmes vampires à leur mort]. Mais l’accalmie qui s’ensuivit ne dura qu’un temps. En 1731-1732, l’épidémie était de retour […] La rumeur attribuait le fléau au fait qu’Arnold Paole avait attaqué non seulement des gens mais aussi du bétail et que les personnes ayant mangé de la viande des animaux infectés se changeaient elles aussi en vampires après la mort… » (D. S-H)

Les officiers décident de procéder sans attendre à des vérifications : « Lors de cette expertise médicale, treize tombes furent ouvertes, et dix de leurs occupants (hommes, femmes et enfants) furent identifiés [par la population] comme vampires. Ils se trouvaient en “excellent état de conservation”, “le corps intact et non décomposé, la poitrine renfermant quantité de sang”, avec une “peau fraîche et vivante” repoussant à la place de l’ancienne. L’examen de la dernière personne exhumée, une jeune femme de vingt ans prénommée Stanojka, semblait confirmer le caractère contagieux de l’épidémie de vampirisme terrassant Medvedža. La jeune paysanne aurait été contaminée de son vivant par un vampire, tout comme Paole. Selon les habitants, alors qu’elle dormait paisiblement une nuit, elle se réveilla en sursaut et se plaignit d’avoir été serrée au cou par un homme mort depuis plusieurs semaines. Suite à cette visite nocturne, Stanojka ne cessa de dépérir de jour en jour et cette langueur l’entraîna dans la tombe en l’espace de huit jours. À l’ouverture de son sépulcre, les enquêteurs la découvrirent “le visage rouge et de couleur vermeille”, avec “une grande quantité de sang frais sort[ant] de son nez” et avec “tous les organes (…) en parfait état de conservation”. De surcroît, ils remarquèrent une marque bleue derrière son oreille, ce qui fut interprété comme la preuve que son sang avait été aspiré par le funeste visiteur. Sur ces entrefaites, les militaires autrichiens ordonnèrent à des bohémiens de passage de trancher la tête de Stanojka et des autres morts reconnus comme vampires, de brûler leurs corps et de disperser les cendres dans la Morava. Quant aux cadavres trouvés décomposés, ils furent replacés dans leurs cercueils et inhumés de nouveau. » (D. S-H)

Le rapport se terminait ainsi : « J’affirme, moi et les Unterfeldscherer qui m’ont été dépêchés, que toutes ces choses se sont passées telles que nous venons de les rapporter à Medwegya en Serbie le 7 janvier 1732… » (A. Faivre : Les Vampires)

Cet « extraordinaire document », sobre, descriptif, détaillé, clair, et « d’autant plus hallucinant » eut un énorme retentissement immédiat (A. Faivre). Selon Ranft, « ces nouvelles plongèrent tout le monde dans le plus grand étonnement », chacun en parlait. Les faits relatés donnèrent lieu à pas moins de douze traités et quatre dissertations en Allemagne. L’empereur Charles VI chargea un célèbre professeur de médecine, directeur de la revue scientifique Academia Naturae Curiosorum, de prendre position sur la question du vampirisme ; il dépêcha aussi une mission dans un village où « un fameux vampire décédé depuis plusieurs années faisait un ravage excessif parmi les siens » (cf Dom Calmet, page 55 de l’édition de 1749 – seconde partie). « Dès février 1732, des copies des rapports Glaser et Flückinger sont envoyées en traduction française à Paris […] Dans le même temps, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume Ier fait parvenir à la Société royale des sciences de Prusse une copie du rapport Flückinger […] et demande à […] d’en faire une étude d’expertise… » (A. Faivre)

Le Visum et Repertum fut publié de nombreuses fois, son contenu souvent résumé ou romancé. Il circula beaucoup et contribua largement à diffuser le mot « vampire », qui y figure à plusieurs reprises. Son rôle fut absolument prépondérant dans la grande fortune que ce mort-vivant se préparait à connaître, les relations du Mercure galant de 1693 et 1694 n’ayant pas quant à elles suscité de grands remous en dépit de leur caractère pourtant très impressionnant, lui aussi : « C’est que, pour propulser ce genre de faits étonnants sur le devant de la scène, il manquait encore quelque chose d’essentiel – des preuves. Discourir sur des fables et des histoires entendues est une chose, prouver leur réel fondement et donner des exemples tangibles et authentiques en est une autre. Sans preuves, les témoignages sur les morts malfaisants étaient condamnés à rester des histoires divertissantes et improbables. » (D. S-H.) Or le Visum et Repertum, établi par un militaire, offrait justement toutes ces garanties. D. S-H. rappelle plus loin que longtemps avant tous ces événements, et sans qu’il n’y ait eu de suites particulières, des populations s’étaient déjà retrouvées aux prises avec des morts redoutables : « Les vampires découverts en Occident vers 1730, sont-ils, en effet, si différents des sangusagae des chroniques anglaises du XIIe siècle ou des “stryges de Russie” dont parle le Mercure galant en 1694 ? À notre sens, ils leur ressemblent énormément [ainsi qu’à d’autres, comme le cordonnier de Breslau en 1591, ou bien Jure Grando, mentionné plus haut]… Seul le nom de “vampire” était vraiment inconnu jusqu’à 1725. »

Cette édition originale reproduit aussi le rapport Frombald établi à l’occasion du cas de Peter Plogojovitz en 1725, et donne un extrait d’un livre de 1690 d’Erasmus Francisci, qui évoque, entre autres, le cas de Grando. Un compte-rendu du Visum et Repertum figure dans le numéro du 30 avril du Commercium Litterarium.

Pas dans le catalogue N°1 de la librairie BMCF. RBH signale en tout deux exemplaires, dont celui-ci. Nous n’en avons pas repéré d’autre : ni sur un site du même type, ni ailleurs.

Le deuxième ouvrage, incomplet d’environ la moitié des pages, rend brièvement compte d’événements survenus dans un presbytère, qui aurait été hanté par un poltergeist pendant des années. Wegner, qui entend lutter contre les superstitions est aussi l’auteur, sous le pseudonyme Tharsander, d’un livre contre les superstitions et autres supercheries dont une partie est consacrée aux vampires (1736).

Voir A. Faivre pages 49, 50-51 et 65 (Colloque de Cerisy) et Les Vampires, pages 51-56 (traduction complète du rapport Flückinger), 45-48 (le cas Grando), 253. Voir aussi D. S-H, pages 145-146, 149-151, 160-161 et 315-316.

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